Je cite, de la pièce de Jean Genet, « Elle » :
Le Pape :
Quand un homme s'agenouille, il sait – ou il ne le sait pas, je m'en fous, – qu'il attache plus d'importance à son geste qu'à mon pied, et surtout qu'à l'homme à qui ce pied appartient. Ce qu'il veut, c'est se sentir pris dans une gelée cérémonieuse.
A-t-on survécu à cette gelée cérémonieuse, mondiale, de la semaine dernière ?
Sans doute on vous a envoyé quelques vers de Jacques Prévert (que l'on trouvait doublement appropriés avec la mort du prince Rainier) :
le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner
araignée, araignée quel drôle de nom pour un pape
pourquoi pas libellule ou papillon ?
Par courriel, j'ai reçu d'autres jeux de mots au sujet de ces actualités, dont celui-ci :
Le pape est pas apte mais pas à pas et Papa l'a appris le Pape a pâli et est parti...
Il n'y avait que quelques signes perçus, par ci par là, d'une humanité autrement concernée, comme témoignait un autocollant, perçu dans le métro à Paris, d'Alternative Libertaire...
Franchement, j'ai préféré sortir un volume de Jacques Rabemananjara, mort le même jour que le pape. Presque une décennie dans les taules de la IVe République et à peine une mention dans la presse française du chantre malgache, poète de la négritude, voix d'une nation voulant chanter sa liberté...
Qui donc, qui chantera ?
En berne, pas en berne... À Madagascar, d'accord, on peut baisser les drapeaux. Mais pas pour le Souverain Pontife dont l'état hiérarchique est planétaire, sans place pour les femmes, les personnes vivant une vie homosexuelle, les préservatifs... Champion médiatique, certes, digne des fastes théâtrales d'un Genet :
Le Pape :
Le suis-je ? Ou la splendeur dont on entoure le Souverain Pontife est dérisoire, ou bien pas de pompes assez travaillées. C'est l'univers tout entier... perles, rubis, soies, aciers, canons, gardes, musiques – mais quelles musiques ? Pas de valses ? Si, des valses aussi – défilés de jeunes pages, de danses, spectacles, parades, et l'univers s'ordonne autour de ma Tiare, pivot du monde visible, et chanter Hosannah ou toute autre parole étrange, hébraïque ou caraïbe. Et la terre tourne autour de ma tiare...
Je vous recommande la lecture de la pièce ; très rafraîchissante par les temps qui courent. «Elle», c'est le pape, qui « rit comme une tante », le cul en l'air – puisqu'on ne le voit jamais de dos. Jean Genet se serait bien marré de la gelée, disons pompe, cérémonieuse.
«Elle», pièce de Jean Genet de 1955, publiée de façon posthume à Paris chez Marc Barbezat / L'Arbalète (1989).
TCS
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