New York, le 5 octobre 2008
On me demande de mes nouvelles ; c'est toujours «débordé» comme réponse. Ah, si on pouvait avoir une petite rente, comme André Gide, pour s'occuper des passions... Ce blogue n'en est évidemment pas une ; à peine si j'arrive à y afficher un mot une fois tous les six mois. Trop souvent nécrologique, d'ailleurs.
J'avais justement envie de faire un mot lors de la disparition de Tony Duvert... Le passage de l'auteur du Journal d'un Innocent, L'Enfant au masculin et Le bon sexe illustré mérite attention, et hommages... Une pause.
Virée à Montréal ? C'était pour le FIL, le Festival International de la Littérature.
Dans son article, «Le Legs d'Aimé Césaire au Festival International de la Littérature», Elsa Pépin présente le FIL dans La Presse du 25 septembre. Parmi les invités:
Le FIL invite également Christiane Yandé Diop, qui fut au coeur de la vie littéraire de Césaire depuis ses débuts. [Elle] dirige aujourd'hui les éditions Présence africaine depuis la mort de son mari, Alioune Diop. Fondée en 1947, la revue parisienne deviendra une maison d'édition et contribuera à la diffusion de la culture africaine et des oeuvres de Césaire. [...]C'était donc mon rôle d'interviewer Mme Diop devant un public dans le beau nouvel édifice de la Bibliothèque et Archives Nationales du Québec. Elle nous a offert une historique de la revue, de la librairie et de la maison d'édition Présence Africaine (dont le site semble en panne aujourd'hui) et a évoqué quelques regrettés, dont feu son mari Alioune Diop, le cinéaste et écrivain Sembène Ousmane, le poète Jacques Raharimananjara et d'autres intellectuels restés fidèles à l'aventure de Présence Africaine.Née dans le Paris d'après-guerre, alors que «les Africains, Antillais et Asiatiques se sentaient mis à l'écart et voulaient se regrouper pour parler de leur identité», Présence africaine génèrera notamment deux congrès mondiaux des écrivains et artistes noirs (Paris-1956 et Rome-1958), raconte Mme Diop. [...]
Selon elle, le principal héritage légué par Césaire est d'avoir fait comprendre l'importance de la culture pour l'émancipation des peuples. «On a peur de la culture, parce qu'elle éveille les consciences, mais sans elle, je crois que l'Afrique avancera difficilement.»
Aimé Césaire était le thème de l'intervention. Parmi les questions : «Où commencer?» une lecture d'Aimé Césaire si vous ne connaissez pas son oeuvre. Mme Diop a proposé Discours sur le colonialisme comme réponse, puisqu'une autre intervenante disait qu'elle trouvait Césaire difficile. (Difficile? Et Gaston Miron? Qu'est-ce qu'un auteur «difficile»?) Mais on est restés d'accord pour Cahier d'un retour au pays natal.
Vous pouvez écouter le court entretien de Didier Oti avec Mme Diop sur le site de l'émission "Tam-Tam Canada" sur RCI (dans la 2e partie de l'émission du 26 septembre).
La veille, le FIL avait organisé un Cabaret Césaire. Conçu par Rodney Saint-Éloi, des Éditions Mémoire d'encrier, quatre comédiens ont mis en scène et en lecture Le Cahier : les actrices Mireille Métellus et Pascale Montreuil, le poète Franz Benjamin et le comédien et chroniqueur Michel Vézina. Leur jeu était intercallé de clips vidéo, avec des auteurs et critiques qui parlaient de l'héritage d'Aimé Césaire. La salle a vivement applaudi après un extrait vidéo où Césaire, le politicien-poète révolté, appelait avec tant de force à élever la race : nègre, humaine.
Cela se passait le soir du premier débat entre les candidats pour la présidence des E-U, les sénateurs McCain et Obama. La coïncidence a permis une réflexion sur les politiciens et hommes d'action qui inspirent, ou non.
J'ai pu retrouver avec plaisir Mélikah Abdelmoumen, de passage dans sa ville natale pour la sortie de son 5e roman, Victoria et le vagabond. Vous pouvez écouter l'entretien avec Mélikah Abdelmoumen sur le site de l'émission de Radio Canada animée par Lorraine Pintal, Vous m'en lirez tant. (Et profitez de l'émission pour écouter Ying Chen, rarement à la radio, qui parle de son nouveau roman, Un enfant à ma porte.)
Il y aura certes d'autres articles et recensements dans les pages de la rentrée québécoise assez riche. Quant aux autres nouveautés, je n'ai pu résister ni à quelques nouvelles parutions (avec leur disque CD) de chez Planète rebelle ni au Mystérieux voyage de Rien, nouveau roman d'Antonine Maillet qui marque ses 50 ans de carrière littéraire. À suivre dans les pages littéraires de Voir, Le Devoir, La Presse, Ici (Canoë), Nuit Blanche, Le Libraire...
Le groupe Mes Aïeux (allez voir) remplit une des pages culturelles aujourd'hui dans La Presse, «Les Aïeux reviennent en ville». On m'a fait écouter ; purement montréalais dans l'originalité de la musique «(néo-)trad».
Dans un magasin de livres usagés samedi, j'entends et puis je vois défiler sur la rue Mont-Royal une manifestation en faveur du droit à l'avortement. Je crois rêver, pensant que le droit à l'avortement et au planning familial était chose acquise au Canada, pays où il y a un système de médecine sociale (et où les couples homos se marient avec 100% des droits des hétéros). Mes amis québécois votent pour des candidats de plusieurs partis (NDP, Bloc québécois et Parti Liberal), mais aucun d'entre eux pour les Conservateurs qui, forts en dollars de leur désastre écologique du sable bitumineux de l'Alberta (copains de notre «Drill Baby Drill» Sarah Palin), cherchent à présenter un gouvernement de majorité après les élections nationales la semaine prochaine (le 14 octobre).
Au cas où vous pensez que les francophones et les anglo-saxons ont les mêmes tendances culturelles et journalistiques, regardez le clip hilare «Culture en péril», fait pour répondre aux coupures du gouvernement Harper dans le budget culturel canadien.
Montréal bouge...
Évidemment impossible à trouver des places pour Seuls, de Wadji Mouawad avec l'auteur dans sa propre création au Théâtre d'Aujourd'hui. La scène vit : une adaptation de La vie devant soi de Romain Gary au Rideau Vert, avec Louise Marleau... mais qui sait pourquoi c'est Beckett qui me tente toujours ; il y a Oh les beaux jours à l'affiche en ce moment à l'Espace Go...
Le mois du créole a débuté le jour de mon retour : un mois d'activités qui ont lieu actuellement à Montréal. Mais je dois rentrer...
Retour par Amtrak : vitesse du XIXe siècle (plus de 11 heures pour un trajet que l'on fait facilement en 7 par voiture), confort fin XXe (on peut brancher son ordi et, au wagon-café, on vous fait réchauffer la bouffe au four micro-ondes). Un beau trajet qui longe le lac Champlain et le fleuve Hudson. Dans un article du New York Times du 2 octobre, le jour de mon retour, j'ai appris qu'on se réveille un petit peu à Washington à la possibilité de soutenir nos transports en commun; «After Several Dark Years, Amtrak Does Well in Congress»:
The passenger railroad has had 12 years of “just barely survival budgets” [...] including two years in which the Bush administration proposed a zero budget. [...] The railroad’s fortunes may depend heavily on the presidential election; John McCain, the Republican nominee, has long been one of the Senate’s foremost opponents of Amtrak.En voilà pour quelques images fraîchement montréalaises. Merci Michelle Corbeil, directrice générale et artistique du FIL, merci Madame Diop d'avoir fait le déplacement depuis Paris, merci Montréal et aux amis montréalais! J'y retourne, dès la fonte de la neige de l'hiver qui s'approche.
Les premiers bagels Fairmont ont déjà été consommés ; du moins il y a maintenant une nouvelle réserve au congélateur.
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