06 décembre 2011

Orlando

Virginia Woolf's diary?

Une de ces journées pluvieuses, grises à New York.

Parfait pour un petit passage à la bibliothèque centrale, une des merveilles de cette ville (www.nypl.org).

Il s'agit de trouver des infos dont j'ai besoin pour inspirer mon chapitre sur le personnage que j'appelle Orlando, pour des raisons qu'il ne serait pas le seul à savoir. (mais bon, il n'est plus là pour en parler.)

Bon signe, j'arrive devant l'entrée et il y a un clin d'oeil de Virginia.

Son journal intime.

J'avance dedans.  En fait, il s'agit aussi de trouver d'autres infos sur ces années 1980, et il me faut un numéro du Nouvel Obs, un article sur le crack à New York qui a paru dans le Nouvel Obs vers 1986 ou 87.

Évidemment, il n'y a pas d'index des anciens numéros. Au pif, j'envoie la petite fiche de demande par pneumatique, demandant toute l'année 1986 des anciens numéros qui existent dans les caves de la bibliothèque quelque part.

Et je me mets à attendre.

Numéro 64. L'attente se prolonge, mais ça fait longtemps que je n'ai pas mis les pieds dans ces pièces pour travailler et l'attente est assez agréable.

Les touristes passent pour prendre des photos. On leur dit que c'est interdit.

Je travaille sur le chapitre en cours, sur papier.

20 minutes, 40 minutes…

Je passe voir s'il y a un problème.

L'ironie d'attendre la livraison d'un livre au guichet des "ODD NUMBERS", c'est-à-dire, les drôles de numéros impairs (qui, en fait, sont principalement des nºs pairs) où mon numéro 64 ne s'affiche jamais.

Non, me dit-on, mais ça vient de loin, en bas, ça peut prendre jusqu'à une heure.

waiting for an even number, 64
somehow, it wasn't meant to happen at the "odd numbers" window

Orlando était bien un "odd number". C'est comme si je l'attends, comme Godot.

Après plus d'une heure d'attente, j'apprends que les numéros en question du Nouvel Obs sont dans un autre immeuble d'où il faut placer une commande de plusieurs jours, sinon que je m'adresse à l'une des facultés riches de la ville, NYU ou Columbia.

Je suis déçu sans être déçu.

Writer's block, on cherche de l'inspiration.

Pour fêter les 100 ans de la grande bibliothèque centrale, il y a une expo avec quelques bijoux de la collection, dont de belles machines à écrire.

Les jeunes ne connaissent pas les bruits sympas que l'on produi(sai)t en écrivant de cette manière-là.

Enfin, Virginia – affichée sur la façade de la 5e avenue – n'est pas seule. On la présente avec Malcolm. Et d'autres.

Virginia Woolf, Malcolm X, and Dante = qu'ont-ils en commun ?

eh bien, voilà, leurs carnets intimes.

instead of V's diary, at first I found a wall-full of Malcolm X's diaries.
no cut & paste here !

Des deux. Vers la fin de leur vie.

Puis il y avait la canne de V : Virginia Woolf's walking stick.


Je n'ai pas eu envie de regarder de trop près. Ça fait 70 ans qu'elle s'est tuée… 1941. Ça fait pas si longtemps que ça.

Je fouille plutôt dans les souvenirs d'une autre personne, morte du sida dans ces années 1980. Je l'appelle Orlando.

Mon Orlando me fait signe aujourd'hui, par Virginia, qui figure dans son récit, dès le début.

J'aimerais bien savoir en quoi cela m'aidera à clore le chapitre.



30 août 2011

At Bill's

Bill Coleman nous a quittés dimanche, en plein milieu d'une tempête nommée Irène, qui avait laissé des morts et trop d'eau en Haïti, en Caroline, à New York, dans le Vermont, au Canada... Manhattan était incroyablement calme : les aéroports fermés et tout dans la ville était arrêté : le métro, les trains de banlieue, les autobus.
William P. Coleman, 19 janvier 1923 - 28 août 2011.

J'ai déjà parlé des moments passés chez Bill, en évoquant des souvenirs de Jean-Claude Charles. Cette photo de Bill et Jean-Claude date de 2004.
On note des piles de livres : une histoire de la communauté afro-américaine de Lexington, Kentucky, un gros volume du Negro History Bulletin, un texte en français (Douze ?), un ouvre-bouteille et Jean-Claude, avec un verre sans doute de Barbancourt, peut-être de whisky.

Le New York Times. Un drapo au mur. Bill, avec ses lunettes de lecture à la main, et le téléphone (vieux style avec fil) toujours à côté de lui.

Une journée de papote chez Bill. Dommage que Jean-Claude n'ait jamais eu le temps ou la volonté d'avancer avec son travail sur Chester Himes. Bill était parfaitement connecté avec l'intelligentsia afro-américaine... Et on parlait pas mal de Himes au moment de la réédition de Cast the First Stone, remettant les parties censurées la première fois, sous le titre Yesterday Will Make You Cry.

J'ai connu Bill à l'époque où il était collègue de CUNY, à la faculté BMCC où il dirigeait le Center for Ethnic Studies : on avait des amis et des collègues et un intérêt pour Haïti en commun. Je ne trouve de bonnes photos que de l'époque où il était déjà à la retraite.

Il habitait un chouette brownstone à Harlem qui lui appartenait, avec un escalier à l'intérieur. Voici Bill en 2005 descendant vers le rez-de-chaussée. Finalement, les 2 étages d'escalier – et l'autre qui menait à la cuisine, en bas – étaient de trop pour Bill après une énième crise cardiaque et sa santé faiblissante.

Il en avait assez vu du quartier aussi : cambriolages et voyous de l'époque dure. Ça allait mieux dans le Manhattan post-Giuliani, post 11 septembre : il était temps pour Bill de vendre, pour habiter un espace plus gérable avec l'âge avançant.

Jean-Claude allait perdre son pied-à-terre à Manhattan, d'autres devaient partir aussi, et c'était la fin de règne du cercle culturel chez Bill.

Le peintre Frantz Baltazar faisait partie des locataires habituels ; le voici avec Bill, l'année du déménagement (2005). C'était donc déjà la fin d'une époque. Bill tenait à rester à Harlem, pas trop loin de la bibliothèque Schomburg, et allait encore déménager deux fois avant d'atterrir à son dernier appartement au 5e, avec ascenseur.

C'était assez triste de passer dans la maison la dernière fois, jour où j'ai pris quelques photos. J'aime bien celle-ci où l'on voit Bill reflété dans le miroir dans une des chambres. 

Avec un déménagement, il y a toujours tous les souvenirs qui ressurgissent, dans chaque pièce, parfois avec des objets à trier. If these walls could talk!

 On a toujours bien discuté et rigolé chez Bill, avec toutes sortes de références (musique, peinture, essais, événements, littérature) sorties des connaissances éclectiques de Bill, aussi riches et diverses que ses amis de passage.

Dans son recueil Free, Jean-Claude parle de Bill dans un poème, « At Well's » que je cite en bas d'une page d'hommages à Jean-Claude Charles. Le poème se trouve dans une section qui s'appelle « La Route du Blues ». Sur cette route, il y avait Bill. Et il y avait Wells, un restaurant choisi certes pour son poulet frit mais aussi par l'association avec le vrai prénom de Bill, William : At Well's, At Bill's. Wells Restaurant existe depuis 1938. Il n'est plus à l'endroit du grand-père (voir cette explication), mais il n'est pas étonnant que ce soit par Bill que Jean-Claude découvre des lieux légendaires de Harlem, dont Wells, où, lors de la Renaissance de Harlem, « People from Paris, when they'd come, would get chicken and waffles ».

C'était un homme très doux, Bill, très intelligent, social. On s'est trop peu revus ces dernières années. Une fois, je l'avais vu à l'hôpital après une nouvelle chute de santé : on pensait que c'était la fin, mais Bill arrivait toujours à retrouver une énergie, pour se réunir avec nous quand on célébrait la vie de Jean-Claude, ou pour recevoir chez lui Elvire, la fille de Jean-Claude, ou pour déménager encore une fois, à plus de 85 ans...


Ses livres, ses papiers, ses disques, ses tableaux sont éparpillés dans diverses collections publiques et privées. Je n'ai pas encore remis dans leur place les deux tableaux que j'ai pu m'offrir de sa collection. Je les ai descendus (du meuble où ils sont posés) samedi soir pour le passage de l'ouragan Irène. C'est un coin de l'appartement qui fuit et il y avait effectivement des fuites dimanche.

Il faudrait que je m'occupe de ces tableaux. Les remettre à leur place, ou même les encadrer un jour, même s'ils sont sombres. Ils sont de Pierre Augustin, artiste de Port-au-Prince (né en 1945). Il se peut que Bill les ait achetés directement du peintre. Qui sait ?

Pierre Augustin, 1976


Pierre Augustin, 1982

Quelques souvenirs lors du passage d'un ouragan, et d'un ami.

P.S. Les arrangements ne sont pas encore faits pour savoir quelle sorte de réunion formelle aura lieu entre famille et amis pour marquer son passage.

30 novembre 2008

À Québec, sur les Plaines

Ciel gris ce jour-là (le 14 novembre dernier), au-dessus de la ville de Québec qui fête ses 400 ans en cette année 2008 (www.monquebec2008.com). En me promenant dans les rues de la ville, je pensais à Jan J. Dominique qui y avait élu résidence l'hiver dernier, en résidence d'auteure à la Maison de la littérature (son projet d'écriture étant, «L’Amérique, c’est le jardin de mon père»). Remontant les côtes de la ville, je peux imaginer comment on peut s'isoler de façon productive, les jours où il fait trop froid pour s'aventurer dehors : une chaleur intérieure avec le bruit étouffé par une couche de neige.

Et pourtant, je n'aime pas le froid.

Promenades sur les plaines d'Abraham, dominant le Saint-Laurent. J'étais à Québec pour le congrès de l'ACQS (American Council for Québec Studies) qui tenait sa réunion cette année avec l'ACSUS (Association for Canadian Studies in the United States) : réflexions sur l'histoire (québécoise, acadienne, canadienne), sur le cinéma, la société, le théâtre, l'Amérique francophone, les relations trans-Atlantiques et transnationales... Pour moi, il s'agissait surtout de voir ce qu'il y a de nouveau en lettres québécoises. Il y avait deux tables rondes (et une autre communication dans une table ronde sur «Labor and Gender») qui traitaient de l'oeuvre de Marie-Célie Agnant (dont ma propre communication) ; le cas d'Agnant est un exemple précis du talent des nouveaux visages de la littérature québécoise du XXIe siècle. Dany Laferrière, Ying Chen, Émile Ollivier... la littérature «néo-québécoise» était parfois l'appelation, mais on sait bien que le «néo-» n'est que provisoire, bien que «minorité visible» reste une classification officielle au Canada.

Avant de rentrer, je n'ai pas résisté à la tentation de me procurer un exemplaire du dvd qui venait de sortir, «Céline sur les Plaines» : presque quatre heures du concert de Céline Dion à Québec en août dernier :
Lors des Fêtes du 400e anniversaire de la Ville de Québec le 22 août 2008, le spectacle «Céline sur les Plaines» a rassemblé plus de 250 000 spectateurs sur les Plaines d’Abraham. Cet événement historique met en vedette Céline Dion et 11 des plus gros noms de la chanson québécoise. Avec Céline Dion : Garou, Marc Dupré, Nanette Workman, Dan Bigras, Mes Aïeux, Zachary Richard, Éric Lapointe, Claude Dubois, Jean-Pierre Ferland et Ginette Reno.
Difficile à croire que je recommande quoi que ce soit de Céline Dion, mais j'avoue que c'est un bon disque pour des raisons... du moins pédagogiques. La famille Dion, par exemple, une majorité des 13 frères et soeurs de la mégastar Dion, exemplifie de façon concrète la famille catholique nombreuse d'Une saison dans la vie d'Emmanuel de Marie-Claire Blais que je venais de lire avec mes étudiants : le clan Dion chante une bastringue assez mémorable (sur YouTube où je renvoie pour l'extrait, on peut également écouter cette bastringue historique avec La Bolduc).

Avec le groupe Mes Aïeux, la Dion chante «Dégénérations», la chanson à succès de leur disque Tire-toi une bûche. Sur YouTube on peut trouver l'extrait : Mes Aïeux : Dégénération à la Fête Nationale du Québec (il y a même une autre version avec sous-titres en anglais). Ils ont déjà vendu 45.000 exemplaires de La Ligne orange, leur dernier disque qui vient de sortir : un Disque d'Or pour l'un des groupes Trad les plus populaires au Québec. (Ça me fait penser à vous renvoyer vers le site des Cowboys Fringants...). Il y a pas mal de clips de Mes Aïeux en ligne pour découvrir : «Le déni de l'évidence», «Belle, embarquez»...

Sur ce dvd je découvre avec plaisir Nanette Workman, qui chante une «Lady Marmelade» sexy avec la Dion aussi bien qu'un bon blues... La présence de Zachary Richard est parmi les plus émouvantes du concert. Zachary Richard chante la «Ballade de Jean Batailleur» puis, avant de chanter «La promesse oubliée» qu'il avait composée à l'époque, rappelle au public les interventions de Céline Dion lors du passage de l'ouragan Katrina trois ans plus tôt (voir cet exemple où elle intervient sur l'émission de Larry King le 3 septembre 2005), et la solidarité des Québécois et des Québecoises avec leurs «cousins» de la Louisiane. La tradition musicale québécoise – de la bastringue de la famille Dion, aux blues de Nanette Workman et de Zachary Richard – rappelle les éléments hérités des vieux pays (celte breton, normand) comme faisant partie des traditions de l'Amérique du nord (country, blues, rock), que ce soit avec une vielle ou un accordéon, une batterie ou une guitare.

Avant de chanter «Femme de rêve», Claude Dubois s'adresse à la foule :
Pour les uns, le quatre centième anniversaire, c'est la fête d'une ville. Moi, je veux dire que Québec, tu es mon amour, ma patrie. Tu as enfanté d'une nation qui a résisté à l'assimilation, et je te dis que je t'aime !
Panorama sur le public enthousiaste qui applaudit après «un pays qui a résisté à l'assimilation», et je ressens un soupçon de xénophobie sans doute inévitable dans cette fierté nationale.

Et bien oui, la tradition perdure même dans la cuisine d'un pays qui ne connaissait pas de légumes frais pendant le long hiver. Oubliés le temps de la morue, la tradition française transformée à la québécoise couvre la bidoche avec des sauces lourdes au fromage, au beurre, à la crème. Comme dans d'autres pays froids sans épices, le végétarien se contentera de bonnes bières locales aux noms si évocateurs : La Maudite, La Barbarie, La Belle-Gueule, Dieu du ciel... (Malheureusement on ne fait plus de Kamouraska, qui donnait l'impression de boire une inspiration des plaines du rive sud du Saint-Laurent, au pays du roman d'Anne Hébert.)

Depuis mon retour de la ville de Québec (avec une courte escale à Montréal, assez longue quand même pour permettre une livraison à l'aéroport d'une bonne douzaine de bagels tout chauds), le Salon du Livre de Montréal a eu lieu, du 18 au 23 novembre. Quel plaisir de voir Marie-Claire Blais couronnée une nouvelle fois du Prix du Gouverneur Général (avec Michaëlle Jean, il s'agit plutôt de LA Gouverneure Générale) pour son nouveau roman, Naissance de Rebecca à l’ère des tourments, publié chez Boréal.

L'année 2008 est un bon cru pour Boréal : non seulement Blais, mais par exemple le nouveau roman de Monique Proulx, Champagne. Bonne année également pour les éditions Mémoire d'encrier : de nouvelles anthologies et de la poésie, dont de Gérald Bloncourt. Christine Germain est toujours un plaisir à ré-entendre chez Planète rebelle, maison qui comprend des lectures en disque audio avec ses livres, comme avec la nouveauté, Élégie nocturne, par Jean-Paul Daoust. À La courte échelle, on trouve un recueil prometteur, Premiers amours, «Neuf écrivaines, neuf nouvelles sur les premiers émois amoureux»... Là-dedans, je retrouve l'auteure de Putain et de Folle, Nelly Arcan qui, dans ses chroniques pour Canoë offre, par exemple, une réaction appropriée («So hot in bed !») aux Justiciers masqués, qui ont piégé Sarah Palin trois jours avant l'élection présidentielle américaine (pour CKOI FM). Classique !

Une virée dans la capitale québécoise était sans doute de vigueur pendant cette année du quadricentenaire. J'aurai raté l'impressionnant Moulin à images de Robert Lepage, images de la capitale et du pays projetées tout l'été sur les vieux silos à grain du port de Québec.

L'année prochaine, ce sera le tour du Vermont à faire la fête www.celebratechamplain.org : 400 ans depuis le voyage estival de Samuel de Champlain, la même année (1609) où Henry Hudson explore le fleuve qui portera son nom. Quatre cents ans après, il est dommage qu'il n'y ait pas de TGV en Amérique du nord pour remonter le Hudson, passer par le lac Champlain et arriver aux villes du Saint-Laurent.

TCS

12 octobre 2008

10 ZAN !


Île en île, 10 ans
New York, le 12 octobre 2008

10 ZAN!

J’ai trouvé le morceau de musique approprié pour l'occasion, «Kala» du disque 10 Zan de Ziskakan.

Ça fait 10 ZAN aujourd'hui que j'ai mis le site Île en île en ligne pour la première fois.

Je vous invite à lire mes réponses aux questions de Stève Puig, « Île en île ; dix questions pour dix ans ». L'espace de ce blogue (X-centri-cités) vous invite également à réagir à l'entretien ou à laisser vos remarques au sujet du site.

C'était un moment approprié pour faire un bilan de cette base de données présentant la littérature et les écrivains des îles :

Haiti, Martinique, Guadeloupe, Guyane

Maurice, Réunion, Comores, Madagascar

Nouvelle-Calédonie, Polynésie
bien plus de 200 dossiers d'auteurs -- biographies, bibliographies, extraits de textes, enregistrements sonores...

merci de célébrer cet anniversaire en parcourant le site pour découvrir des auteurs « insulaires » et leurs oeuvres si diverses, si riches.

10 ans !

TCS

05 octobre 2008

Virée montréalaise

New York, le 5 octobre 2008

On me demande de mes nouvelles ; c'est toujours « débordé » comme réponse. Ah, si on pouvait avoir une petite rente, comme André Gide, pour s'occuper des passions… Ce blogue n'en est évidemment pas un ; à peine si j'arrive à y afficher un mot une fois tous les six mois. Trop souvent nécrologique, d'ailleurs.

J'avais justement envie de faire un mot lors de la disparition de Tony Duvert… Le passage de l'auteur du Journal d'un Innocent, L'Enfant au masculin et Le bon sexe illustré mérite attention, et hommages…  Une pause.

Virée à Montréal ? C'était pour le FIL, le Festival International de la Littérature.


Dans son article, « Le Legs d'Aimé Césaire au Festival International de la Littérature », Elsa Pépin présente le FIL dans La Presse du 25 septembre. Parmi les invités:
Le FIL invite également Christiane Yandé Diop, qui fut au coeur de la vie littéraire de Césaire depuis ses débuts. [Elle] dirige aujourd'hui les éditions Présence africaine depuis la mort de son mari, Alioune Diop. Fondée en 1947, la revue parisienne deviendra une maison d'édition et contribuera à la diffusion de la culture africaine et des oeuvres de Césaire. […]

Née dans le Paris d'après-guerre, alors que « les Africains, Antillais et Asiatiques se sentaient mis à l'écart et voulaient se regrouper pour parler de leur identité », Présence africaine génèrera notamment deux congrès mondiaux des écrivains et artistes noirs (Paris-1956 et Rome-1958), raconte Mme Diop. […]

Selon elle, le principal héritage légué par Césaire est d'avoir fait comprendre l'importance de la culture pour l'émancipation des peuples. « On a peur de la culture, parce qu'elle éveille les consciences, mais sans elle, je crois que l'Afrique avancera difficilement. »

C'était donc mon rôle d'interviewer Mme Diop devant un public dans le beau nouvel édifice de la Bibliothèque et Archives Nationales du Québec. Elle nous a offert une historique de la revue, de la librairie et de la maison d'édition Présence Africaine (dont le site semble en panne aujourd'hui) et a évoqué quelques regrettés, dont feu son mari Alioune Diop, le cinéaste et écrivain Sembène Ousmane, le poète Jacques Raharimananjara et d'autres intellectuels restés fidèles à l'aventure de Présence Africaine.


Aimé Césaire était le thème de l'intervention. Parmi les questions : « Où commencer ? » une lecture d'Aimé Césaire si vous ne connaissez pas son oeuvre. Mme Diop a proposé Discours sur le colonialisme comme réponse, puisqu'une autre intervenante disait qu'elle trouvait Césaire difficile. (Difficile? Et Gaston Miron ? Qu'est-ce qu'un auteur « difficile » ?) Mais on est restés d'accord pour Cahier d'un retour au pays natal.

Vous pouvez écouter le court entretien de Didier Oti avec Mme Diop sur le site de l'émission « Tam-Tam Canada » sur RCI (dans la 2e partie de l'émission du 26 septembre).

La veille, le FIL avait organisé un Cabaret Césaire. Conçu par Rodney Saint-Éloi, des Éditions Mémoire d'encrier, quatre comédiens ont mis en scène et en lecture Le Cahier : les actrices Mireille Métellus et Pascale Montreuil, le poète Franz Benjamin et le comédien et chroniqueur Michel Vézina. Leur jeu était intercallé de clips vidéo, avec des auteurs et critiques qui parlaient de l'héritage d'Aimé Césaire. La salle a vivement applaudi après un extrait vidéo où Césaire, le politicien-poète révolté, appelait avec tant de force à élever la race : nègre, humaine.

Cela se passait le soir du premier débat entre les candidats pour la présidence des E-U, les sénateurs McCain et Obama. La coïncidence a permis une réflexion sur les politiciens et hommes d'action qui inspirent, ou non.

J'ai pu retrouver avec plaisir Mélikah Abdelmoumen, de passage dans sa ville natale pour la sortie de son 5e roman, Victoria et le vagabond. Vous pouvez écouter l'entretien avec Mélikah Abdelmoumen sur le site de l'émission de Radio Canada animée par Lorraine Pintal, Vous m'en lirez tant. (Et profitez de l'émission pour écouter Ying Chen, rarement à la radio, qui parle de son nouveau roman, Un enfant à ma porte.)

Il y aura certes d'autres articles et recensements dans les pages de la rentrée québécoise assez riche. Quant aux autres nouveautés, je n'ai pu résister ni à quelques nouvelles parutions (avec leur disque CD) de chez Planète rebelle ni au Mystérieux voyage de Rien, nouveau roman d'Antonine Maillet qui marque ses 50 ans de carrière littéraire. À suivre dans les pages littéraires de Voir, Le Devoir, La Presse, Ici (Canoë), Nuit Blanche, Le Libraire...

Le groupe Mes Aïeux (allez voir) remplit une des pages culturelles aujourd'hui dans La Presse, « Les Aïeux reviennent en ville ». On m'a fait écouter ; purement montréalais dans l'originalité de la musique «(néo-)trad».

Dans un magasin de livres usagés samedi, j'entends et puis je vois défiler sur la rue Mont-Royal une manifestation en faveur du droit à l'avortement. Je crois rêver, pensant que le droit à l'avortement et au planning familial était chose acquise au Canada, pays où il y a un système de médecine sociale (et où les couples homos se marient avec 100% des droits des hétéros). Mes amis québécois votent pour des candidats de plusieurs partis (NDP, Bloc québécois et Parti Liberal), mais aucun d'entre eux pour les Conservateurs qui, forts en dollars de leur désastre écologique du sable bitumineux de l'Alberta (copains de notre «Drill Baby Drill» Sarah Palin), cherchent à présenter un gouvernement de majorité après les élections nationales la semaine prochaine (le 14 octobre).

Au cas où vous pensez que les francophones et les anglo-saxons ont les mêmes tendances culturelles et journalistiques, regardez le clip hilare « Culture en péril », fait pour répondre aux coupures du gouvernement Harper dans le budget culturel canadien.

Montréal bouge…

Évidemment impossible à trouver des places pour Seuls, de Wadji Mouawad avec l'auteur dans sa propre création au Théâtre d'Aujourd'hui. La scène vit : une adaptation de La vie devant soi de Romain Gary au Rideau Vert, avec Louise Marleau… mais qui sait pourquoi c'est Beckett qui me tente toujours ; il y a Oh les beaux jours à l'affiche en ce moment à l'Espace Go

Le mois du créole a débuté le jour de mon retour : un mois d'activités qui ont lieu actuellement à Montréal. Mais je dois rentrer…

Retour par Amtrak : vitesse du XIXe siècle (plus de 11 heures pour un trajet que l'on fait facilement en 7 par voiture), confort fin XXe (on peut brancher son ordi et, au wagon-café, on vous fait réchauffer la bouffe au four micro-ondes). Un beau trajet qui longe le lac Champlain et le fleuve Hudson. Dans un article du New York Times du 2 octobre, le jour de mon retour, j'ai appris qu'on se réveille un petit peu à Washington à la possibilité de soutenir nos transports en commun ; « After Several Dark Years, Amtrak Does Well in Congress » :
The passenger railroad has had 12 years of “just barely survival budgets” […] including two years in which the Bush administration proposed a zero budget. […] The railroad’s fortunes may depend heavily on the presidential election; John McCain, the Republican nominee, has long been one of the Senate’s foremost opponents of Amtrak.
En voilà pour quelques images fraîchement montréalaises. Merci Michelle Corbeil, directrice générale et artistique du FIL, merci Madame Diop d'avoir fait le déplacement depuis Paris, merci Montréal et aux amis montréalais! J'y retourne, dès la fonte de la neige de l'hiver qui s'approche.

Les premiers bagels Fairmont ont déjà été consommés ; du moins il y a maintenant une nouvelle réserve au congélateur.