jeudi 29 novembre 2007

transatlantiques

New York, 29 novembre 2007

Transatlantiques vers la poésie, vers la lumière.

Pendant qu'il y a encore de quoi nourrir en pétrodollars ces nouveaux paquebots, autobus aériens, de pétrole iraquien, venezuélien, russe, canadien...
Ô Fric, je te chante dans le râle des mourants, les trafics d'armes brillantes
Brillantes comme l'éclat du jour dans tes yeux naissants à l'autre bout du monde si nu
Ô Fric, je te chante dans les oléoducs jaillissants, les bourses des temples,
Les pistes du ciel en tous sens les pavots fleuris sur les tombes des camés, des foutus.
Des pauvres connards rêveurs brûleurs d'encens.
C'est moi qui souligne, extrait du poème de Claire Karm, Ô Fric ! (cliquer pour lire en entier, et pour écouter l'auteure lire le poème).

Voyages entre continents, amis en vadrouille pour répandre de grosses vagues de paroles, par et pour des écrivains. Y en a qui s'en vont vers Port-au-Prince, pour un hommage à Jacques Roumain, dont c'est l'année centenaire (27 au 30 novembre, voir le programme sur le site Potomitan) et pour le festival Etonnants Voyageurs (du 1er au 4 décembre). D'autres, vers Kourou, où aura lieu le Symposium International Damas, en hommage à Léon-Gontran Damas, symposium organisé par la Députée Christiane Taubira (le 30 novembre). Dans un entretien, Mme Taubira explique pourquoi il y aura, au programme, tant d'étudiants, collégiens et lycéens, qui..

... entrent en scène et disent librement, sous la forme qu’ils ont choisie (exposé, vidéorama, spectacle vivant, exposition, etc) ce qu’ils comprennent et retiennent du poète, à leur âge et à leur époque. Ils le resituent dans l’espace et dans le temps, puisque les travaux présentés porteront sur son œuvre, mais aussi sur Césaire, Senghor, la Négritude, la Créolité et la diversité culturelle, reliant Damas au courant littéraire et social qu’il a fortement contribué à formuler. [...] Les jeunes sont des promesses qui se tiennent. Quels que soient nos rêves, nos utopies, nos désirs de surpassement, il y a toujours un ou des jeunes pour leur donner chair. Et lorsqu’ils flanchent, pour peu qu’on se souvienne qu’ils ne sont qu’au début de leur vie et que rien n’est définitivement joué pour eux, et qu’on leur fasse confiance, ils réalisent des merveilles.
Une belle initiative où la poésie vit chez les jeunes étudiants qui lisent, composent, riment, réfléchissent.

Ça me fait penser au succès de James Noël, en banlieue parisienne en ce moment, Rumeurs urbaines obligent. Voir « Poésie caribéenne, "une fête à la santé des mots" », un résumé de son passage au collège Alfred de Vigny, à Courbevoie* le 26 octobre dernier. L'urgence d'écrire. Rires.

Cherchant une illustration d'un transat – cette chaise, pliante, au bord des paquebots du même nom – j'ai trouvé mon exemple sur le site de l'Association French Lines :
L'Association French Lines a pour objet la mise en valeur du patrimoine des compagnies maritimes françaises, notamment celui de la Compagnie Générale Maritime et de la Société Nationale Maritime Corse Méditerranée. Il couvre plus d'un siècle et demi de l'histoire maritime française à travers les collections provenant de la Compagnie Générale Transatlantique™ et des Messageries Maritimes™. Des navires prestigieux ont marqué cette histoire tels que le paquebot France™ et le paquebot Normandie
Je cherchais une illustration, non pas étymologie, et les autres exemples trouvés démontrent que, effectivement, les voyageurs contemporains, habitués aux cars aériens, mélangent torchons et serviettes :
Pour illustrer l’étroite relation entre ces chaises longues et les paquebots transatlantiques, remarquons l’abus de langage que nous employons pour désigner aujourd’hui ce mobilier : ne parle-t-on pas d’un « transat » lorsque l’on s’assoit sur une chaise longue ?
Fascinant, le site. Histoire illustrée des Transats sur des transatlantiques.

Le temps se mesurait autrement à l'époque. Ça fait penser aux rythmes de Novecento, le protagoniste pianiste du roman éponyme d'Alessandro Baricco. "Il jouait je ne sais quelle diable de musique, petite, mais... belle". Jelly Roll Morton. Le piano sur lequel Novecento joue se met à glisser sur le parquet de la salle de bal, suivant les vagues et les mouvements du bateau qui tangue :
Et pendant qu'on voltigeait entre les tables, en frôlant les lampadaires et les fauteuils, j'ai compris, à ce moment-là, que ce qu'on faisait, ce qu'on était en train de faire, c'était danser avec l'Océan, nous et lui, des danseurs fous, et parfaits, emportés dans une valse lente, sur le parquet doré de la nuit. Oh yes.
Plus tard, Novecento joue un morceau "à virtuosité folle", rivant son public:
... ils restèrent là, sans rien dire, complètement éberlués, même après cette dernière charge meurtrière d'accords, qui avait l'air d'être jouée à cinquante mains, on aurait cru que le piano allait exploser. Et dans ce silence de folie, Novecento se leva, prit ma cigarette, se pencha un peu vers le piano, par-dessus le clavier, et approcha la cigarette des cordes.
Un grésillement léger.
Il s'écarta, et la cigarette était allumée.
[je cite de la traduction de Françoise Brun (Gallimard) de Baricco, dont la musique va jusqu'à L'Âme de Hegel et [aux] Vaches du Wisconsin... ]
Voilà une traversée en style. Pourquoi n'avons-nous pas de salle de bal dans les avions, avec un piano à queue ?

Plus de transats pour se bronzer pendant la traversée. Plus de soleil, on n'a plus de temps pour des traversées consacrées au farniente.

Au-dessus, j'entends des avions sur New York. Au mois des sagittaires. On dit que nous avons la bougeotte. "Notre" planet est Jupiter, mais je préfère penser à Saturne, puisque le mois du sagittaire se termine au solstice d'hiver et avec les fêtes saturnales. (Par curiosité, j'ai trouvé d'autres personnes nées avec Saturne en Sagittaire, comme moi : Arletty*, André Gide, Juliette Greco – tiens, sur YouTube, on peut la voir/écouter chanter "Déshabillez-moi" [1967, trop cute] –, Alfred Hitchcock, Claude Nougaro, Emile Zola... Une bonne compagnie.)

The Archer... avec sa flèche phallique, sa/son Spear, sa sagaie de Sagittaire :

Optimistic and freedom-loving
Jovial and good-humored
Honest and straightforward
Intellectual and philosophical

Blindly optimistic and careless
Irresponsible and superficial
Tactless and restless

Transatlantiques virtuels.

TCS